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Cher Dieu, je suis allé à un mariage la semaine dernière. Les mariés se sont embrassés dans l’église. Tu es d’accord avec ça ? Voilà la question posée par la petite Anne à Dieu. Le pape François lui répond : Notre Seigneur apprécie de manière spéciale celui qui se réjouit du bonheur de l’autre. Si nous n’alimentons pas notre capacité de nous réjouir du bien de l’autre […] nous nous condamnons à vivre avec peu de joie... Et comme le frère Hervé, le directeur du pèlerinage, nous explique que ce que nous vivons est une fête, qu’il y a de la réjouissance, quoi de plus normal que de suivre le Christ à Cana ?

Dans son roman S’adapter, Clara Dupont-Monod fait parler les veilles pierres de la maison qui a vu grandir un petit enfant handicapé. Elles racontent avec tendresse la vie de chacun des membres de sa famille. Et si les jarres de Cana faisaient de même ? Elles sont six, une pour chaque jour de la Création. Une jarre, une cruche, c’est un récipient fait pour recevoir et redonner. Pas pour garder. C’est d’ailleurs au moment où elles donnent ce qu’elles ont reçu que le miracle apparait, car il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. C’est comme si elles portaient un potentiel incroyable. Pourtant, elles restent fragiles et si elles tombent, elles peuvent se briser. Comment ne pas penser à ce que dit l’Apôtre Paul : Nous portons, comme en des vases d’argile, un trésor. Les jarres, c’est un peu chacun de nous qui se met à la disposition de Jésus. Et si saint Jean nous parlait alors aussi du miracle de la conversion des cruches ? Frères et sœurs, pour la première fois, nous pourrions penser et nous dire en nous voyant les uns les autres, sans crainte de nous blesser : Ah, quelle belle cruche !

Avec les jarres regardons les convives, si différents les uns des autres. Ils sont tous là et, heureusement, il n’en manque pas car, sinon, la fête ne serait plus la même. Il y a, bien entendu, les mariés. Ils partagent leur bonheur et créant un nouveau souvenir heureux, ils font grandir l’amitié entre tous et permettent que de nouveaux liens se tissent. Il y a Jésus, Dieu fait homme, qui se réjouit de la joie des autres. Il y prend part parce que, comme le Père au moment de la création, il voit que cela est bon. Il y a les invités qui rendent grâce pour le bonheur des nouveaux époux. Certains traversent pourtant des moments difficiles mais ils font le choix de venir, de se réjouir quand même. Chacun met, peut-être sans le savoir, en application ce commandement de l’Ecclésiaste : Va, mange avec plaisir ton pain et bois d’un cœur joyeux ton vin, car Dieu, déjà, prend plaisir à ce que tu fais !

Sans forcément vider la cave, le Christ nous invite à comprendre que tout bonheur vrai est comme un nouvel accomplissement de l’acte créateur. Il faut apprendre à les voir, ces moments, car ils sont souvent plus fugaces, moins visibles qu’une fête de noces : un sourire, un geste de tendresse, une colère ravalée, un encouragement, un merci… Les voir, et rendre grâce ! Un rayon de lumière perce là où on l’attend le moins, dans ce qui paraît « humble, gris, très pauvre ». Le remarquer, c’est changer. Le partager avec autrui, l’atteindre ensemble, c’est aimer. Aimer de cette manière, c’est ne plus « appartenir à ce monde » (Erik Varden, Quand craque la solitude). Cela nous parle, ici à Lourdes, où Marie promet à Bernadette le bonheur qui n’est pas de ce monde ! Non qu’il n’y ait pas de bonheur en ce monde mais la source du bonheur vient d’ailleurs, de plus haut. Le bonheur est là, tout proche, à portée de main, et Dieu peut lui donner une nouvelle dimension.

Les jarres voient Marie qui se réjouit et qui est attentive à ce que tout continue de bien aller. Ils n’ont plus de vin dit-elle. Pas : je n’ai plus de vin mais Ils n’ont plus de vin. Le centre, ce sont les autres ! Que faire ? Les jarres se voient vides et, de toute manière, elles sont là pour la purification. Ce qui se passe est en dehors de leur champ de compétence ! Elles entendent Marie prier Jésus, presque le commander. Et elle s’adresse aux serviteurs : Faites tout ce qu’Il vous dira. Ah, les serviteurs ! Eux aussi, ils font partie de la Noce même si personne ne prête vraiment attention parce qu’après tout, ils font leur travail. Mais sans eux, pourrait-on se réjouir ? Car, de fait, rien n’est magique. En ce jour des titularisations, je pense à tous ceux par qui le pèlerinage existe. Il y a tant et tant de travail derrière. Soyez bénis !

Les jarres entendent alors le Christ demander aux serviteurs de les remplir d’eau. L’eau, elles en ont l’habitude. Elle sert à purifier. Mais là, elles doivent être portées au maitre du repas. Ce n’est pas dans les habitudes ! L’eau pourrait-elle avoir une autre signification ? Oui, elle est ce qui nous fait vivre et nous fait grandir, comme cela se passe avec les plantes. L’eau c’est ce que nous recevons des autres, les serviteurs, et que nous cultivons : le savoir, la reconnaissance mutuelle, l’amitié, l’amour vrai, le don de soi, l’attention aux autres, le service… Cette eau, c’est la matière dont Dieu a besoin pour accomplir son miracle. Elle est ce qu’il peut transformer en vin, lui qui ne supprime pas notre nature mais la surélève. Je suis responsable de ce que je bois, de ce qui entre en moi. Et puis, bien sûr, il y a l’eau des sacrements et de la Parole de Dieu qui ne revient jamais à Dieu sans avoir produit son effet… Frères et sœurs, prenons soin de remplir notre jarre pour qu’elle grandisse en humanité ! C’est un effort indispensable !

Les jarres, qui avaient reçu de l’eau, portées par les serviteurs, obéissant à la parole de Jésus, donnent du vin. Et le meilleur. Quel miracle ! Il a fallu quelques pas (marcher, encore marcher !), un saut dans l’inconnu, pour les jarres comme pour les serviteurs… Ces quelques pas sont le moment où l’Esprit Saint agit, où il peut tout transformer et conduire au bonheur. Si nous souhaitons que les convives ne boivent pas que de l’eau, si nous voulons qu’ils boivent du vin et le meilleur, il faut accepter de laisser la parole du Christ et l’Esprit Saint agir et nous conduire dans cet inconnu. Comme les jarres, vases fragiles, nous pouvons être remplis d’une bonne eau. Comme elles, nous croyons peut-être n’être capables que de donner de l’eau. Comme elles, nous doutons peut-être du résultat et de nous-mêmes. Cependant ne doutons pas de Dieu ! Car, par Lui, c’est peut-être du vin que nous transmettons ! Oui, il y a la grâce de Dieu, l’action de l’Esprit Saint qui s’offre lorsque nous savons nous offrir.

Il paese di vetro est un petit conte pour enfants. Il raconte l’histoire d’une personne qui est transportée, comme par magie, dans un pays où tout est en verre. Pourtant rien n’est jamais brisé parce que tout le monde a appris à se comporter avec délicatesse. Notre personnage est renvoyé dans le monde avec cette consigne : Maintenant, ton rôle est de vivre ici comme tu vivais là-bas et de contaminer les autres en les rendant semblables aux habitants du pays de verreFrères et sœurs, Dieu a besoin de nous, il ne veut pas avoir d’autres mains que les nôtres et de la délicatesse qu’il nous aura apprise sous l’action de l’Esprit Saint, pour bâtir la civilisation de l’amour. Au travail !


À vous la parole

32 commentaires

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« Merci pour ces belles homélies inspirées par le Saint Esprit !
Tout est vrai , beau , stimulant . Soyez béni ! »

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Séverine - 05 octobre 2024 - 13:32

« Merci mon frère, c'est tellement beau à lire puis à mettre en pratique.. Servant du Seigneur Soyez béni par votre zèle charismatique. Que la Paix soit avec vous 🙏❤️‍🔥🕊️🌹 »

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Mayot - 04 octobre 2024 - 18:59

« Que de bonheur à lire cette homélie, ma foi est toujours là, je croyais qu'elle s'éloignait, je la retrouve avec joie et j'aime les moments de prières avec les frères. Que Dieu vous garde, vous accom... »

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Kakie - 04 octobre 2024 - 16:36

« Ephata... "Apprendre à voir ces moments" ..., à ne pas passer à côté.
Seigneur Jésus, par ton Esprit, qu'un petit, tout petit miracle s'opère dans ma vie. Que l'eau des larmes ravalées se change en bo... »

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Elly - 04 octobre 2024 - 11:04

« La délicatesse... »

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BRIGITTE - 04 octobre 2024 - 6:48

« J’ai toujours hâte de vous entendre, vos homélies du pélérinages sont magnifiques et réconfortantes. Merci 🙏 »

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Nicole - 04 octobre 2024 - 0:38

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